Chaque semaine, jusqu’à fin 2016, Smartlink.fr vous propose l’interview d’un élu local sur le développement du numérique dans sa ville et sa vision de la ville de demain. Une série qui débute avec le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin.
La révolution numérique est en marche. Et comme pour le changement climatique, la question n’est plus de savoir si elle aura lieu, mais plutôt dans quelle mesure elle va bouleverser la vie des habitants de cette planète.
En France comme ailleurs, la société tente de s’adapter aux changements induits par la numérisation. Dans la vie quotidienne et dans la vie professionnelle, dans le domaine de la santé et dans l’accès à l’information, la donne évolue en permanence… Vers quoi ? Jusqu’où ? Dans combien de temps ? Avec quelles conséquences ? Autant de questions auxquelles nous aimerions tous répondre. Sauf l’économiste Jacques Attali, dans son livre « Peut-on prévoir l’avenir ? » (publié chez Fayard en 2015), où il dit sa crainte de voir des machines ultra-performantes capables de prédire bientôt événements et comportements.
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Maillons essentiels du déploiement des technologies numériques dans l’hexagone, les collectivités locales sont, avec l’État et le secteur privé (opérateurs, câbleurs, data-centers…), celles qui investissent le plus dans la digitalisation de leur territoire. Les grandes villes du pays, le plus souvent à l’échelle de leur intercommunalité, déploient en effet de plus en plus de moyens et consentent de réels efforts pour mettre le numérique à portée des citoyens. Toutes avancent à leur rythme, avec leurs convictions et leurs priorités. Nous sommes allés poser quelques questions sur ce qui se passe chez eux à une quinzaine de ces maires. On débute cette série du coté de Marseille, avec son maire Jean-Claude Gaudin.
Smartlink.fr : Quels sont les outils numériques déjà mis en place dans votre ville pour la population et les touristes ?
Jean-Claude Gaudin : Marseille a fait le choix de l’économie numérique car j’entends qu’elle soit au rendez-vous de cette révolution. Mais, au-delà de toute dimension technique ou économique, nous avons fait le choix du développement du numérique et d’une ville intelligente, qui place “Le mieux vivre ensemble” et les citoyens au cœur de la démarche. Nous avons ainsi amélioré la connectivité à travers une charte Opérateurs Telecom Fixe et Mobile pour accélérer l’irrigation du très haut débit, dont bénéficient déjà 85% des Marseillais.
Nous avons établi un tarif social d’accès à l’Internet Triple-Play pour lutter contre la fracture numérique et mis en place une couverture Wifi gratuite sur les lieux publics les plus fréquentés. Nous avons aussi développé des services comme la carte Transpass pour le transport et une offre touristique avec City Pass. Nous avons mis en œuvre le paiement dématérialisé sur les horodateurs avec notre application TIMO ou bien encore 1 000 tags NFC sur les bâtiments remarquables de la cité, les équipements sportifs ou les abribus.
Dans le domaine de la sécurité, nous mettons actuellement en place un « big data de la tranquillité publique » pour gérer la mobilité, la qualité environnementale ou l’efficacité énergétique. Nous avons aussi développé la vidéo protection avec 800 caméras déjà opérationnelles. Un dispositif que nous renforçons aux abords des écoles. Écoles que nous avons en outre commencé à doter, lors de cette rentrée scolaire, de classes mobiles numériques dans 225 établissements. Elles proposent une tablette pour deux élèves, un ordinateur portable par enseignant, un système de vidéo projection, ainsi qu’un dispositif de rechargement et de mise à jour.
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SL : Les utilisateurs se sont-ils appropriés ces outils comme vous l’imaginiez ?
J.C.-G. : Marseille a été reconnue par l’OCDE parmi les 40 villes les plus innovantes au monde et ce que nous faisons pour le développement du numérique, nous le faisons d’abord pour nos concitoyens. Nous avons ainsi développé des e-services pour permettre des démarches administratives en ligne. L’accélération des usages prouve que nous sommes sur le bon chemin, celui qui relie les nouveaux usages et réduit la fracture numérique.
SL : Qu’attendent vos administrés des technologies connectées en ville ?
J.C.-G. : Les Marseillais veulent des nouvelles technologies qui facilitent d’abord leur quotidien, leurs démarches, leurs relations avec l’administration. La mutualisation des données, l’intégration des réseaux et des flux permettent d’optimiser la gestion urbaine et d’améliorer la qualité des services rendus aux usagers. Elles mettent aussi l’usager au cœur des dispositifs.
SL : Selon vous, à quoi la “ville de demain” ressemblera-t-elle ?
J.C.-G. : La ville de demain, intelligente et connectée, ce sera avant tout l’intelligence de ceux qui font la ville. L’avenir de la « smart city » n’est pas lié aux technologies, mais à la capacité de mettre en place de nouvelles formes de gouvernance, en identifiant des modèles économiques viables et en contrôlant l’usage qui sera fait des données. A Marseille, nous construisons l’îlot Allar, dans les quartiers Nord. Il préfigure le futur modèle méditerranéen de ville durable et permet de tester les principes d’une écocité à taille réelle.
SL : Si vous deviez installer immédiatement deux innovations connectées dans votre ville, quelles seraient-elles ?
J.C.-G. : Tout ce que nous avons déjà mis en place dans ce domaine sert l’intérêt des Marseillais au quotidien et facilite leur implication dans le développement de la ville. C’est ma volonté et cela reste mon objectif pour les innovations à venir. Avec le souci de renforcer le tissu économique de Marseille et, au-delà, de la métropole Aix-Marseille Provence que je préside. Nous possédons les atouts pour devenir le nouvel eldorado de l’industrie numérique. Le label French Tech, qui vient de nous être renouvelé, constitue la reconnaissance de ce dynamisme et montre l’attractivité de notre territoire, qui est un hub de connexion internationale.
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* avec la Bulgarie, Chypre, la Grèce, la Tchéquie, la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie, dont le niveau et le rythme de développement numériques restent inférieurs à la moyenne des 28 pays de l’Union. Les critères retenus pour ce Digital Economy & Society Index (DESI) de la Commission européenne sont la connectivité dans le pays, le niveau de compétences numériques de la population, le taux d’utilisation d’Internet, le niveau d’intégration des technologies digitales et l’adaptation des services publics à ces technologies.